Conférence Santé «Invention de la Ménopause». Phénomène biologique et/ou construction socio-scientifique- 21 sept 2025 de 16 à 17h au Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain

Dr. Danielle Choucroun, sexologue, médecin généraliste et membre de la Communauté des Français du Luxembourg
Dr. Danielle Choucroun, sexologue, médecin généraliste et membre de la Communauté des Français du Luxembourg

21 septembre 2025

Casino Art Contemporain

rue Notre-DameL-2240 Luxembourg

De 16 à 17:00

avec Dr. Danielle Choucroun, sexologue et médecin généraliste

https://www.vdl.lu/fr/agenda/invention-de-la-menopause

Invention de la Ménopause, une conférence au Casino Art Contemporain

Conférence dans le cadre de l’expo d’Aline Bouvy au Casino Luxembourg nommée Hot Flashes 

Conférence dans le cadre de l'expo d'Aline Bouvy au Casino Luxembourg nommée Hot Flashes 
Conférence dans le cadre de l’expod’Aline Bouvy au Casino Luxembourg nommée Hot Flashes

Construction de la ménopause 

 La ménopause donne lieu actuellement à de nombreuses communications scientifiques et commerciales en direction des publics spécialisés et profanes. Les réseaux sociaux sont eux-mêmes envahis par des messages scénarisant la ménopause sur un mode parfois humoristique ou spectaculaire.

La médiatisation de la ménopause interroge sur ses enjeux et ses bénéficiaires, amenant à questionner sa représentation scientifique contemporaine.

Que dit l’Assurance Maladie ?

« La ménopause est la période de la vie d’une femme marquée par l’arrêt de l’ovulation et la disparition des règles. », selon le site de l’Assurance Maladie française, ameli.fr. L’Assurance Maladie mentionne ensuite « les problèmes possibles liés à la ménopause », à savoir des manifestations fonctionnelles comme les symptômes vasomoteurs, les troubles du sommeil ou de l’humeur, et le risque augmenté de maladies cardio-vasculaires et d’ostéoporose.

Le terme « liés » est intéressant car il se garde d’établir une causalitédirecte entre les troubles de santé pouvant survenir à l’âge moyen et la cessation de la fonction ovarienne. Toujours selon l’Assurance Maladie, « toutes les femmes ne sont pas concernées par les symptômes de la ménopause ». L’arrêt de la fonction ovarienne semblerait n’entraîner aucune conséquence chez certaines, et procurer chez d’autres un cortège de phénomènes invalidants.

Un peu plus loin sur ce même site est défini le mot « climatère »,désignant ici les changements hormonaux de la femme lorsque l’activité ovarienne décline puis s’interrompt : « le climatère est un mot grec qui désigne les années de changement hormonal que connait la femme autour de la ménopause ». Ainsi décrit, seules les femmes seraient impactées par le climatère. Et pourtant jusqu’au début du 19e siècle le climatère qualifiait le vieillissement des personnes sans discrimination de sexe.

Construction de la ménopause par Charles de Gardanne

Comment s’est subitement genré le climatère ? Le néologisme ménespausie apparait en 1816 sous la plume du Dr Charles de Gardanne, médecin parisien. En 1821, Charles de Gardanne euphonise sa trouvaille sous le terme « ménopause ». Désormais, le climatère sera féminin et causé par le trop plein de sang non évacué en raison de l’absence des menstruations. Selon le Dr Charles de Gardanne, le corps de la femme, affaibli par le vieillissement, n’a plus la force nécessaire pour évacuer le sang en excès. La ménopause caractérisée par Charles de Gardanne va convoquer la quasi-totalité de la sémiologie médicale : notamment, troubles digestifs incluant diarrhées et vomissements, furoncles, congestion nasale, manifestations cardio-respiratoires, troubles mentaux, douleurs articulaires et prurit génital sont attribués à l’arrêt des menstruations et construisent la nouvelle entité clinique« ménopause ».

Si le terme ménopause n’est pas immédiatement adopté par les docteurs en médecine contemporains de Gardanne, l’arrêt de la menstruation est dès lors considéré, non plus comme physiologique, mais comme une pathologie quasi-dégénérative, plaçant les femmes en situation de défaillance physique, mentale et émotionnelle.

La ménopause va donc constituer un outil clé dans la construction du stéréotype féminin, à savoir un corps instable justifiant son éviction de l’éducation et des droits de citoyens. Ce modèle scientifique vient compléter le discours patriarcal des philosophes des « Lumières » : « Ainsi toute l’éducation des femmes doit être relative aux hommes. Leur plaire, leur être utiles, se faire aimer et honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce : voilà les devoirs des femmes dans tous les temps, et ce qu’on doit leur apprendre dès leur enfance » Rousseau, Emile ou de l’éducation, 1762.

La construction scientifique médicale et philosophique du stéréotype féminin a légitimé l’exclusion des femmes des droits de citoyens depuis la Révolution française en 1789 et jusqu’en 1945, lorsque les femmes votent pour la première fois en France.

Essentialisation

Essentialiser, c’est désigner une caractéristique comme essentielle et réduire la problématique à cette caractéristique. Lorsque l’Assurance Maladie qualifie la ménopause de « période de vie », implicitement, la femme semble se réduire à sa fonction ovarienne déclinante. Jadis l’hystérie, étymologiquement du mot utérus, décrivait les troubles mentaux relatifs au supposé déplacement de l’utérus dans le corps, soumettant la femme au bon fonctionnement de cet organe ainsi essentialisant. L’hystérie renvoyait au « trop », au débordement émotionnel et à la perte de contrôle, concernant presqu’exclusivement les femmes et les caractérisant. Avec l’invention de la ménopause, l’ovaire succède à l’utérus pour définir la femme, et maintenant il s’agit du trop peu. L’ovaire devrait-il fonctionner tout au long de l’existence des femmes ? Devrait-il aussi fonctionner dès l’enfance ? La question n’est pas impertinente : effectivement, au 19e siècle la première menstruation survenait aux alentours des dix-sept ans. Manifestement, l’abaissement de la première menstruation à l’âge moyen de douze ans au milieu du 20e siècle ne semble pas préoccuper de manière égale à la ménopause sur les plans scientifiques et médiatiques. Et l’âge de la première menstruation continue de diminuer dans les pays industrialisés, lourdement impactés par les perturbateurs endocriniens.  

Enjeux contemporains de la ménopause

Dorénavant les femmes ont accès à l’éducation et leur statut citoyen est conforme aux droits humains dans les pays avancés occidentaux. Les femmes peuvent obtenir des situations professionnelles et sociales de même niveau que les hommes. Les femmes disposent également du pouvoir biologique reproducteur, tandis que les hommes n’ont qu’un pouvoir fécondant pouvant les amener à élever l’enfant d’un autre en connaissance de cause ou non. Néanmoins, ce pouvoir reproducteur vulnérabilise la femme par ses impératifs et ses désordres : cycle menstruel, grossesse voulue ou non, pathologies gynécologiques hormonodépendantes telles l’endométriose, le SOPK ou le fibrome. La maternité va freiner la carrière professionnelle de la femme, rarement celle de l’homme. À la ménopause, la femme est délivrée (sans jeu de mots) de la charge reproductive, et devient ainsi l’égale et peut-être la rivale de l’homme, en particulier dans le monde du travail ou la sphère politique. Si la Révolution française a, brièvement, menacé d’accorder le droit de vote aux femmes, est-ce que l’absence de la charge reproductive, chez les femmes ayant acquis diplômes et droits de citoyen, menace les hommes ?

La littérature scientifique abonde pour décrire les risques et les pathologies rapportés à la période de vie « ménopause », mais la cessation de fonction de l’ovaire est-elle réellement coupable ? La « déficience » en hormones sexuelles (œstrogènes, progestérone) est citée, néanmoins pour parler de déficience, il faut établir une norme.

Qu’est-ce qui explique que la norme entérinant la  « déficience hormonale » est la référence au corps fertile de la femme jeune, et que cette norme, à savoir la présence des hormones sexuelles, est imposée à tous les corps féminins pubères, puis sans considération d’âge ? L’âge est pourtant une variable évidente qui affecte et modifie le fonctionnement du corps humain.

La diminution des hormones sexuelles est la  conséquence du vieillissement. Désormais, la relation causale parait s’inverser : dans les discours, la diminution des hormones sexuelles semble devenir la causedu vieillissement, créant une représentation  hormonocentrée du vieillissement.

Quels sont les facteurs pouvant entrainer un vieillissement accéléré ou pathologique ? La ménopause, ou les travaux pénibles non qualifiés ?Les addictions, une situation socio-économique défavorable, engendrant stress et médiocrité de l’alimentation et des soins, constituent des paramètres cumulatifs au cours du temps, déterminants dans l’altération de la santé, peu compensables par des médicaments.

En semblant attribuer à la ménopause pathologies et divers maux, la société marchande fait coup double : dissimuler les conséquences de son oppression sur les femmes vulnérabilisées par un statut socioéconomique  précaire, et leur vendre ses produits promettant l’amélioration de la santé et de la qualité de vie. Le marché crée les normes, la marchandise régule les corps.

En conclusion, 

Les enjeux de santé et les systèmes de soins doivent prendre en compte la complexité croissante des parcours de vie. Il parait séduisant d’attribuer à la ménopause des pathologies en rapport avec le vieillissement ou d’autres causes. Cependant, malgré la ménopause, ses pathologies et ses risques supposés, est-il indécent de considérer que l’espérance de vie des femmes en France en 2024 reste supérieure à celle des hommes, 85,6 ans pour les femmes et 80 ans pour les hommes, avec seulement 6% de femmes prenant un traitement hormonal substitutif ?

Les articulations font mal, mais les mouvements répétés et forcés,assignés aux emplois non qualifiés, n’ont pas besoin de « déficience hormonale » pour délabrer. Les cadences imposées suffisent. « Pour les femmes, l’écart d’espérance de vie est net entre celles qui ont un diplôme et celles qui n’en ont pas ». L’information en direction du public doit être claire et loyale, afin de ne pas décevoir. Le médicament n’est pas la panacée pour les vies contraintes. Le focus contemporain sur les « traitements substitutifs » de la ménopause est-il de nature à induire la confusion concernant les causes des symptômes et du mal-êtrecoïncidant avec l’arrêt de la fonction ovarienne ? Particulièrement pour le public profane ?

 La « Culture » peut être définie par une manière commune de percevoir, ressentir, penser et agir. Assistons-nous au développement d’une « Culture » de la ménopause, enjoignant de penser, d’agir et ressentir selon des normes conformes aux valeurs hormonales de la jeunesse ? Pour le peuple Beti (Afrique centrale), une femme ménopausée est une femme valorisée, accédant à des rôles sociaux masculins. En Occident contemporain, une femme ménopausée est une femme médicalisée.

 Chaque femme est différente et requiert une attention spécialisée et documentée. Lorsque la prise en charge médicale est indiquée, la balance bénéfice risque des thérapeutiques hormonales ou non doit être évaluée, en regard des plaintes et symptômes présents. La réponse à une situation de santé n’est pas dans sa mise en scène spectaculaire voire performative, en lien avec des intérêts qui ne sont pas ceux des femmes. La réponse peut se trouver dans le « colloque singulier » avec son praticien de confiance, très loin du biopouvoir commercial massifiant.

 

Références

La fabrique de la ménopause.

Cécile Charlap. https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/la-fabrique-de-la-menopause/

Les écarts d’espérance de vie entre cadres et ouvriers : 5 ans chez les hommes, 3 ans chez les femmes

https://www.insee.fr/fr/statistiques/8220688

 


Questions- réponses     

www.fda.gov/ménopause la ménopause et les hormones

1) Dois-je utiliser des œstrogènes justes pour éviter l’amincissement des os ? 

Vous pouvez, mais il existe également d’autres médicaments et mesures à prendre pour aider vos os. Discutez-en avec votre professionnel de la santé. 

2) Dois-je utiliser une hormonothérapie pour protéger le cœur ou prévenir les accidents vasculaires cérébraux ? 

Non, n’utilisez pas d’hormonothérapie pour prévenir les crises cardiaques ou les accidents vasculaires cérébraux. 

3) Dois-je utiliser l’hormonothérapie pour prévenir la perte de mémoire ou la maladie d’Alzheimer ? 

Non, n’utilisez pas d’hormonothérapie pour prévenir la perte de mémoire ou la maladie d’Alzheimer. 

4) Les hormones protègent-elles contre le vieillissement et les rides ou augmentent-elles ma libido ? 

Les études n’ont pas montré que l’hormonothérapie prévient le vieillissement et les rides ou augmente la libido.

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