Article proposé par Ludovic Charpentier
Mis à jour : décembre 2025

Le système de retraite luxembourgeois vit un tournant : le Gouvernement du Grand‑Duché de Luxembourg a validé, lors de son conseil du 10 octobre 2025, deux projets de loi cadres visant à garantir la viabilité financière du régime de pensions tout en adaptant les mécanismes de soutien au maintien dans l’emploi. Cet article décortique les principales mesures, leur calendrier, ainsi que les enjeux pour les assurés et le marché du travail.
1. Le contexte : pourquoi réformer ?
Le Luxembourg, comme beaucoup de pays européens, est confronté à plusieurs défis : un vieillissement de la population, une prolongation de l’espérance de vie, et un déséquilibre croissant entre cotisations et prestations dans le régime de pensions.
Le gouvernement explique qu’il s’agit « d’une approche globale et équilibrée visant à renforcer la viabilité financière du système de pensions ».
De plus, la mise en œuvre s’inscrit après des concertations entre l’État et les partenaires sociaux.
Autre facteur : le besoin d’encourager le maintien dans la vie active et de limiter les départs anticipés non soutenables pour le régime.
2. Les mesures clés de la réforme
Voici les principales modifications introduites :
• Maintien de l’âge légal
L’âge légal de départ à la retraite reste fixé à 65 ans.
Les dispositifs de pension anticipée sont préservés mais modifiés.
• Pension anticipée : ajustements
Le système luxembourgeois autorise déjà une pension de vieillesse anticipée à partir de 57 ans (à condition de remplir 480 mois d’assurance obligatoire).
Pour une pension à 60 ans, également sous conditions, la réforme prévoit de rallonger, de façon progressive, la durée des périodes de cotisation obligatoires de 8 mois d’ici 2030.
Exemple : à partir du 1er juillet 2026, un salarié souhaitant partir à 60 ans devra avoir presté un mois supplémentaire (par rapport à la situation actuelle) ; ce délai s’allongera jusqu’à +8 mois en 2030.
• Cotisations et recettes renforcées
Le taux de cotisation sera porté de 24,0 % à 25,5 % dès 2026.
Par ailleurs, le système d’allocations de fin d’année est maintenu — une mesure de protection sociale dans le cadre de la réforme.
• Incitations fiscales pour rester dans l’emploi
Pour encourager les personnes ayant atteint les conditions de pension à poursuivre une activité :
- Un abattement fiscal de 9 000 € par an (plafonné à 750 € par mois) sera introduit sur le revenu imposable pour les travailleurs en vie active après avoir atteint l’âge de pension.
- Le plafond de déduction pour les contrats de prévoyance-vieillesse (« Pilier 3 ») passe de 3 200 € à 4 500 €.
• Flexibilisation des années d’études et retraite progressive
Les périodes d’études pourront être prises en compte de façon élargie (par ex. jusqu’à 9 années à partir de 18 ans) dans le calcul de la carrière.
L’option d’une « retraite progressive », permettant de travailler à temps partiel tout en cotisant, est introduite, sur le modèle de la fonction publique.
3. Calendrier et entrée en vigueur
Les deux projets de loi ont été approuvés par le Conseil de gouvernement le 10 octobre 2025.
Certaines mesures entreront en vigueur dès 2026 (notamment l’augmentation du taux de cotisation).
L’ajustement de la durée de cotisation pour pension anticipée est échelonné jusqu’en 2030.
4. Impacts pour les assurés et recommandations pour les travailleurs
Les effets pour les salariés et futurs retraités sont multiples :
- Si vous envisagez un départ anticipé à 60 ans, prévoyez d’augmenter légèrement votre durée de cotisation (quelques mois supplémentaires d’ici 2030).
- Si vous pouvez rester actif jusqu’à l’âge légal ou au-delà, vous bénéficierez de l’abattement fiscal et d’un taux de cotisation plus élevé assurant potentiellement une meilleure pension.
- Pour les frontaliers ou travailleurs ayant une carrière mixte, gardez en tête que les règles d’attribution de pensions anticipées restent strictes : cumul de périodes, âge minimum, cessation d’activité etc.
- La retraite progressive constitue une option à envisager pour une transition plus douce vers l’inactivité.
- Enfin, la réforme met l’accent sur le maintien dans l’emploi : tout arrêt prématuré ou travail à temps très réduit après l’âge de la pension souhaitée pourrait avoir des conséquences sur le calcul de la pension.
5. Enjeux et points de vigilance
Équité intergénérationnelle : en rallongeant légèrement la durée de cotisation, le gouvernement vise à répartir les efforts entre générations.
- Viabilité financière : l’augmentation du taux de cotisation et les mesures incitatives visent à équilibrer le régime.
- Protection sociale : le maintien de l’allocation de fin d’année et l’abattement illustrent la volonté de ne pas fragiliser les futurs retraités.
- Complexité administrative : les nouveaux dispositifs, combinés avec les règles anciennes (57 ans/60 ans/65 ans…), peuvent créer de la confusion chez les assurés ; une information claire sera essentielle.
- Adaptation réelle des comportements ? Encourager la prolongation de la vie active reste un défi concret, notamment pour les métiers fortement pénibles ou usants.
6. Conclusion
La réforme des pensions au Luxembourg ne modifie pas l’âge légal de départ — il reste à 65 ans — mais introduit des ajustements significatifs (durées de cotisation, taux, incitations fiscales) qui marquent une évolution du modèle vers davantage de soutenabilité et de flexibilité. Pour les assurés, l’anticipation, l’information et une bonne planification des années de cotisation et de l’activité professionnelle sont désormais plus que jamais nécessaires.